Prof. Arnaud Roth, professeur à la faculté de médecine de Genève et spécialiste en oncologie s’associe à Dr Mahbiz Nobahar Corke, oncologue au Centre d'oncologie et d'hématologie de Hirslanden Clinique des Grangettes.
Dr Nobahar Corke a participé activement à la création du Centre du Sein en 2019 et à celle du Centre des maladies digestives en 2020 duquel elle est la responsable du pôle oncologique.
Avec l’ouverture d’une consultation de seconds avis dédiée aux tumeurs de la sphère digestive par le Prof. Roth, c’est une expertise renforcée qui est offerte aux patients dans le domaine de l’oncologie médicale.
Dr Nobahar Corke, concrètement qu’apportent aux patients les colloques qui se tiennent au sein du Centre d'oncologie et d'hématologie et quelle est la force de votre nouvelle collaboration avec le Prof. Roth ?
Les patients atteints de pathologies cancéreuses bénéficient d'une prise en charge pluridisciplinaire au sein de Hirslanden Clinique des Grangettes. Notre colloque du Centre des maladies digestives réunit un collège d'experts des différentes spécialités qui seront impliquées dans la prise en charge de la maladie.
Les spécialistes présents lors du colloque sont :
- des oncologues médicaux,
- des gastro-entérologues,
- des chirurgiens spécialisés en oncologie,
- des pathologues,
- des radio-oncologues,
- des radiologues,
- des onco-généticiens.
Les séances de ce panel d'experts permettent de discuter de façon efficiente et de faire intervenir également des spécialistes ad hoc, comme des chirurgiens du foie, selon les organes touchés par la maladie.
Sur la base de ces discussions consensuelles, le colloque pluridisciplinaire propose un programme d'investigations complémentaires ou de traitements, fondé sur les "best practices" et qui seront présentés au patient pour décision.
Le Prof. Roth nous rejoint en apportant ses 20 ans d'expérience en tant que responsable de l'oncologie digestive aux HUG. Son arrivée apporte une valeur ajoutée pour le Centre des maladies digestives d'Hirslanden Clinique des Grangettes.
Prof. Roth, quelles sont les évolutions majeures dans les traitements du cancer des vingt dernières années ?
Si la chimiothérapie, telle que nous la connaissons depuis maintenant plus de 60 ans, reste encore une arme majeure dans le traitement systémique d’une majorité des pathologies tumorales, les 20 dernières années ont vu l’émergence de nombreuses molécules plus ou moins spécifiques visant différents mécanismes de signalisation à l’intérieur des cellules tumorales et interférant avec leur croissance.
Ces substances font partie de ce que l’on appelle la « médecine de précision ». Ces molécules sont soit des anticorps visant et bloquant des récepteurs spécifiques à la surface des cellules tumorales, soit des molécules inhibitrices de la transmission des informations liées à l’activation de ces récepteurs vers le noyau cellulaire (inhibiteurs des thyrosines kinases (TKI)).
Par ailleurs, des anticorps visant et bloquant des inhibiteurs de la réaction immunitaire anti-tumorale exprimés tant par les cellules tumorales que par les cellules immunitaires permettent de débloquer la réponse immunitaire contre certaines tumeurs (immunothérapie du cancer).
Ces nouvelles molécules ont indéniablement élargi les options thérapeutiques à notre disposition avec, dans certains cas, des résultats spectaculaires sur le pronostic de la maladie. En outre, elles permettent de plus en plus d’adapter le traitement en fonction des anomalies exprimées par les cellules tumorales d’une tumeur donnée, d’où le terme de « médecine de précision ». C’est dans cette optique qu’ont été créés les tumorboards moléculaires.
Ces colloques multidisciplinaires revoient les altérations génomiques exprimées par certaines tumeurs et examinent de cas en cas la possibilité ou non d’appliquer une ligne thérapeutique ciblée en fonction des anomalies mises en évidence par les analyses moléculaires.
Loin s’en faut cependant de penser que les nouveaux moyens thérapeutiques que sont les thérapies ciblées et l’immunothérapie sont en train de remplacer la chimiothérapie traditionnelle et permettre ainsi d’éviter la toxicité que nous lui connaissons. Dans la plupart des cas, leur administration se fait dans des programmes thérapeutiques combinés avec cette dernière.
Par ailleurs ces nouveaux moyens thérapeutiques ont leurs effets secondaires propres dont certains peuvent être aussi sérieux que ceux encourus parfois avec la chimiothérapie classique.
C’est pourquoi ces traitements ne doivent être prescrits que par des spécialistes (oncologues ou hématologues) capables d’évaluer le rapport risque/bénéfice de l’administration de ces médicaments en fonction de chaque patient et de gérer leurs effets secondaires s’ils surviennent.
La mise à disposition de nouveaux médicaments dans le traitement des cancers n’est pas la seule évolution observée dans la prise en charge des patients affectés par une pathologie néoplasique au cours de ces 20 dernières années. L’amélioration constante du pronostic de la plupart de ces pathologies a conduit à se pencher de plus en plus sur la qualité de la vie de ces patients tant durant la période où ils sont affectés par la maladie qu’après l’éradication de celle-ci.
De nombreux programmes incluant activités sportives, conseils nutritifs ou groupes de soutien et de discussion ont été mis sur pied, permettant d’offrir un encadrement et un soutien adaptés à un nombre de plus en plus grand de patients. L’amélioration aussi des soins palliatifs et des thérapeutiques antalgiques permet d’aider mieux et dans la dignité ceux dont le parcours n’évolue malheureusement pas dans le bon sens avec un allègement significatif de leur symptomatologie.
En conclusion, nous voyons que ces vingt dernières années ont été le théâtre d’importants changements dans la prise en charge des patients atteints d’une maladie maligne avec une amélioration du pronostic de plusieurs types de tumeurs cancéreuses.
Alors que l’incidence (nombre de nouveaux cas diagnostiqués par an) du cancer n’a pas franchement changé, cette amélioration du pronostic entraine invariablement une lente augmentation de sa prévalence qui devrait nous motiver à poursuivre nos efforts d’innovation dans le traitement de cette maladie difficile.